Raccourcir les chaines logistiques et produire localement ce qu’on consomme localement, ce serait cher?
Un exemple sur un produit stratégique, les masques, montre qu’on y gagne souvent en immobilisation sans y perdre forcément en cout de production.
Raccourcir la chaine au sens Lean c’est être en lien direct avec la demande client par le flux tiré et rendre ses processus flexibles jour après jour pour répondre aux variations. Ce n’est pas prendre des risques inconsidérés en supprimant des éléments, comme les stocks, sans comprendre leur utilité.
Je ne reviendrai pas sur les avantages énoncés dans mon article et qui ont été rendus visibles par la récente crise (flexibilité, approche client, couts de structure et gains en CO²)
Prenons l’exemple des masques : La consommation est de 5 M (million) par semaine en situation courante, elle passe à 45 M en crise sanitaire.
1) Le flux : long et pas tendu au sens Lean :
Le stock de sécurité présent en début de crise (hors flux de distribution) de 117 M (6 mois) est correct en situation normale mais ne représente que 2,5 semaines de crise, rien face à la longueur de la chaine. Sans embargo il serait tombé à 0 en quelques jours du fait des demandes de précaution de personnes qui n’en ont souvent pas besoin.
Il en faudrait 3 fois plus pour ne pas désamorcer.
Pour réamorcer le flux, il faut commander, produire en quantité, livrer. C’est miraculeux qu’il n’ait fallu que 2 mois pour cela vu la situation en Chine et dans les transports…
2) Economiquement, si on considère le tableau ci-dessous :
En remplaçant des stocks par des machines on économise 344 M€ de capital et donc de cash.
En considérant un cout de production 30% plus élevé en local, on dépense en situation normale seulement 25 M€ de plus par an car la gestion du stock coute cher.
En crise, la demande est multipliée par 9 et on dépense 108 M€ de plus sur 3 mois.
100M€ c’est beaucoup, mais pas grand chose dans une telle crise. Surtout ce sont des dépenses de salaires et de charges qui resteront en local pour combler les déficits et pas des stocks morts de produits importés.
Anticipons les remarques :
30% d’écart de prix de revient peut paraitre faible. N’oubliez pas que, hors matière première, le prix du masque livré vient surtout du cout de distribution en Europe, au tarif européen. La part de VA “low cost” est faible, quasi nulle avec les machines automatiques.
Après amélioration, si l’écart est réduit à 20% on atteint l’équilibre.
En crise les prix de base augmentent sous l’effet de la pression du marché, des couts de transport avion ou du surcout d’organisation pour la production locale. Ce qui ressert l’écart de prix.
15% du cout de gestion de stock c’est lourd. C’est classique, il faut payer les entrepôts, les manutentions et les inévitables obsolètes.
Les machines ne seront utilisées que 17h par semaine (150h en crise) !! crime contre le rendement. Et alors? Relisez Le But de Oldratt (40 ans déjà). Il faut disposer des capacités de production, sinon on ne parle pas de produit stratégique.